DES BALADES POUR L’ÉTÉ

Entre Carcassonne et Foix s’est joué, aux XIIe et XIIIe siècles, dans le sang et les larmes, le sort de l’hérésie cathare et le rattachement à la couronne de France.[Retour sur les lieux de « l’épopée cathare »]
ZOOMPhilippe Benoist

Quéribus, Peyrepertuse, Puilaurens, Puivert, Montségur… Elles méritent bien leur surnom de « citadelles du vertige », ces places fortes médiévales accrochées sur des pitons rocheux, au milieu des vignes, de la garrigue, dans les collines des Corbières, dans les Pyrénées ariégeoises…

Ces sentinelles de pierre rappellent que s’est joué là, aux XIIe et XIIIe siècles, dans le sang et les larmes, le sort des terres du Midi, riches et tolérantes, où l’on parlait la langue d’oc. Au détour de l’an mil, un peu partout en Europe, des hérésies ont trouvé des oreilles attentives et des cœurs prêts à s’enflammer. « Nous sommes bons chrétiens », clamaient ceux que leurs adversaires appelleront cathares. Pris de peur, le pape appelle au secours le roi de France, qui fait d’abord la sourde oreille. Il essaie alors de contenir l’hérésie en envoyant des missionnaires – cisterciens puis dominicains. Un échec.

Résistance des cathares assiégés

En 1209, après l’assassinat du légat du pape, les seigneurs du Nord prennent la croix contre les « Albigeois », à l’appel d’Innocent III. Ce sera le sac de Béziers (20 000 morts), puis la prise de Carcassonne suivie par bien d’autres violences et exactions. À partir de 1223, l’Inquisition se déploie. Pour lui échapper, des cathares se réfugient dans quelques places fortes haut perchées.

Elles sont assiégées les unes après les autres. C’est seulement en 1244 que capitule la forteresse de Montségur (Ariège) où 220 cathares sont brûlés. Ce drame est souvent présenté comme l’épilogue dramatique du combat contre les cathares. Dans la réalité, des poches de résistance demeurent. Ainsi, la citadelle de Quéribus, ultime bastion aux mains des cathares, tombe seulement en 1255.

À raison ou à tort, beaucoup de seigneurs occitans sont accusés d’être partisans ou au moins tolérants vis-à-vis de l’hérésie. Quelques-uns tentent de s’en sortir alors grâce aux jeux d’alliance complexes, acceptent traités et mariages désavantageux, mais beaucoup se rebellent devant ce qui ressemble de plus en plus à une occupation, sont tués ou doivent fuir. Les « barons du Nord », au premier rang desquels Simon de Montfort, chef de l’armée croisée, font main basse sur leurs fiefs. Finalement, les terres du Midi sont rattachées à la couronne de France.

La mémoire de cette « épopée cathare » reste très présente dans le Midi où, ironie de l’histoire, une région vient d’être rebaptisée Occitanie tandis que les sites du pays cathare sont devenus le fer de lance de la politique touristique. Désormais, un sentier cathare (GR 367) mène en douze étapes (240 km) de Port-la-Nouvelle (Aude) à Foix (Ariège).

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Pourtant, les places fortes que l’on visite n’ont pas grand-chose de… cathare. Prenons la cité de Carcassonne, impressionnante avec ses doubles remparts et ses 52 tours, restaurée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle. « Le deuxième rempart a été construit et le château agrandi, après qu’en 1226 Amaury de Montfort a cédé au roi de France Louis IX les terres des Trencavel, vicomtes de Carcassonne, que son père Simon s’était appropriées », précise Katia Signoles, guide conférencière.
    


Des châteaux admirables, au près ou au loin

À Foix, le château, perché sur un éperon en pleine ville, est bien conservé. Il a certes été occupé, en 1217, par Simon de Montfort et les croisés. Mais, par la suite, les comtes de Foix se sont soumis et ont pu conserver et agrandir leur château. Seule la tour carrée date du temps des cathares.

En revanche, dans les Corbières et les Pyrénées ariégeoises, Quéribus, Puilaurens, Peyrepertuse, Montségur et bien d’autres sont en ruine même si, vus de loin, ils portent encore beau. « Les constructions initiales des seigneurs locaux étaient plus modestes. Toutes ces citadelles ont été construites par les rois de France à la fin du XIIIe et au XIVe siècle pour garder la frontière avec l’Aragon », souligne Ingrid Sparbier, guide du pays cathare, en montrant les soubassements en pierres à bossage et les surélévations en pierres taillées plates. « L’histoire se lit dans les murs », dit-elle. Ces forteresses perdront leur intérêt stratégique lorsqu’en 1659 le traité des Pyrénées fixera définitivement une nouvelle frontière entre France et Espagne.

Marcher de château en château demande du souffle, de l’endurance et un bon équipement. De l’eau aussi car, souvent, le soleil tape dur. Et une veste car, sur les hauteurs, le vent peut être terrible. À Quéribus par exemple, il faut parfois se cramponner à des cordes dans les escaliers. Des agences de voyages proposent des circuits à pied accompagnés d’un guide, avec portage des bagages pour doser l’effort. Si l’on n’est pas en forme, on se contentera d’aller en voiture au pied des châteaux. Attention, l’ultime grimpette, jusqu’aux ruines, reste un peu exigeante.

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Il serait dommage de ne pas s’offrir au moins une randonnée, par exemple autour de Quéribus. À partir du pittoresque village viticole de Cucugnan, on se dirige vers l’ancien hameau de Moulhet où subsistent les vestiges d’une jolie église romane. De là, un sentier à travers la colline conduit à l’étroit piton rocheux et au donjon de Chabert de Barbaira. À ses pieds, un panorama éblouissant s’étend de la mer jusqu’au mont Canigou et aux Pyrénées. Juste en face, une crête héberge les ruines du château de Peyrepertuse. De Quéribus, il n’y a que quelques kilomètres pour rallier ce nid d’aigle d’où la vue est superbe aussi. « Guilhem de Peyrepertuse était catholique. Mais, la situation politique l’exigeant, il a dû se rendre lui aussi, explique Ingrid Sparbier. On n’avait pas le droit de se refuser aux croisés. Derrière la guerre au nom de la foi, il y avait la conquête d’une terre. »

Marcher vers ces citadelles, les contempler, s’imprégner de l’histoire qui les a vues naître puis périr, permet d’approcher la puissance, créatrice et destructrice, du christianisme et de la chevalerie à l’époque médiévale. Aujourd’hui, les collines sèches et rocailleuses des Corbières, les vignes, vert tendre au printemps, flamboyantes à l’automne, les villages aux tuiles rouges, ne sont plus tourmentées que par le soleil et le vent.


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En pratique Se renseigner

Agence départementale du tourisme de l’Aude.
Tél. : 04.68.11.66.00. Site : www.audetourisme.com

Agence départementale du tourisme de l’Ariège.
Tél. : 05.61.02.30.70. Site : www.ariegepyrenees.com

Et aussi www.payscathare.org et www.grands-sites-ariege.fr

Découvrir les sites cathares à pied

Agence Randonades. Basée à Prades, propose un circuit de 7 jours et 6 nuits, avec un accompagnateur en montagne spécialiste de la culture locale. Portage des bagages, hébergement en gîte d’étape. Cinq à six heures de marche effective par jour. 715 € par personne.
Tél. : 04.68.96.16.03. Site : www.randonades.com

En savoir plus

Blog. Lire le blog de Paula Boyer : « Mon passeport pour le monde »Paula Boyer, envoyée spéciale à Carcassonne, Cucugnan (Aude), Montségur, Foix, Mirepoix (Ariège)        

https://www.la-croix.com/Culture/Art-de-vivre/Retour-lieux-lepopee-cathare-2017-08-26-1200872090?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook#/link_time=1503725138